Ce n’était qu’une parenthèse dans son travail. Pourtant, une fois les États-Unis et l’architecture intérieure derrière lui, Blaise Drummond est encore imprégné d’Amérique. Chacune de ses œuvres semble le ramener d’où il a fui. Leur blancheur aveuglante fait vaciller l’armature parfaite de bâtiments à la Wright, les plantes y composent un herbier hérité de Emerson ou Thoreau. Rien n’y fait: l’âme de Drummond est yankee.
Après l’exposition du Musée de l’Abbaye Sainte-Croix aux Sables d’Olonne, la galerie Loevenbruck donne libre cours au «Field Guide» de Drummond. Ses toiles sont des panoramas statiques où la nature, symbolisée plus que retranscrite, se perd dans la trame immaculée.
Dans The Trees of the North Woods (2006), une rangée de feuilles, en bordure du tableau, dépeint les ciselures végétales, les nervures de l’automne. Plus qu’une manière d’ornementation, son sens du minutieux insuffle une poésie panthéiste à son œuvre. Imbrication de texte et d’illustrations, The Best I Can Do, Apparently (2005) transforme ainsi le mural en élégie à la nature. Quatre-vingt-dix neuf éléments — des vignettes empruntées aux livres d’enfants — égrènent la faune et la flore — crustacés, fougères, carottes… Et touche dans le mille: son poème mural est l’une des pièces les plus sensibles qu’il ait réalisée, battant en brèche son supposé hiératisme, un cliché véhiculé par la critique.
Le chromatisme élégant, jouant de tons pastel pour mieux faire vaciller le blanc, crée le malaise. Chez Drummond, ni terre ferme, ni présence humaine. Peut-être une fois, de dos, les alpinistes de The Poetic Geography of Five Continents (2003), arpentant l’étendue hivernale, rappellent que ce monde est nôtre. Mais sans Dieu ni maître, le paysage n’a plus qu’à se morfondre hors cadre: le plasticien donne quelques éléments visuels pour accrocher le regard, laisser supposer l’entente naturelle mais la dissout dans le vide. Un blanc, comme en musique? Faussement impassibles, les tableaux de Drummond en usent comme d’une couleur.
De Carolina Version à This is the Rocky Mountain Institute, ses oeuvres déclinent la même armature plastique, réminiscence des projets architecturaux d’antan. En coupe sombre, le paysage s’y réinvente entre aménagement rurbain et utopie écolo. L’imaginaire, lui, n’a plus qu’à s’ébattre dans les étendues opalines.
English translation by Marion Ross
Blaise Drummond :
— The Best I Can Do, Apparently, 2006. Installation. Huile sur toile contrecollée sur bois. 99 éléments. 85 peintures. 14 cartons d’emballage sérigraphiés. Dimensions variables.
— A Pretty but Uncommon Sight (n°1), 2004. Huile et collage sur toile. 61 x 46 cm.
— Gewaltige Raüme Unerschlossenen Landes, 2006. Aquarelle et encre sur papier. 70 x 92 cm.
— The Trees of the North Woods (Haystack Mountain), 2006. Huile, collage et encre sépia sur toile. 162 x 213 cm.
— Carolina Version, 2006. Huile et collage sur toile. 167,5 x 142 cm.
— Trees of the World, 2006. Huile et gesso sur bois. 18 x 11,2 cm.