Bruno Rousselot
A, C, D, E, F, L, T
Malgré les apparences, Bruno Rousselot n’est pas un artiste géométrique. À l’art géométrique, il emprunte le goût pour une peinture constituée des formes les plus simples et de leur transformation, mais il refuse tout ce qui pourrait faire apparaître le tableau comme le produit d’un système, d’une procédure impersonnelle.
Ses Å“uvres sont des agencements librement colorés, mais ces agencements n’ont aucune fonction sentimentale ou expressive. Bruno Rousselot dit: «je ne construis pas, j’organise».
Au départ du travail: le dessin. C’est lui qui est le moteur de la peinture. Des dessins sur papier calque permettent, par superposition, d’essayer diverses compositions; ce n’est que lorsque le dessin lui semble «terminé» —après ce qu’on pourrait appeler, par analogie avec la photographie, une mise au point— que Bruno Rousselot trace les quatre lignes qui vont constituer le cadre, déterminer le format, les proportions de la toile, puis reporte le dessin méthodiquement sur la toile.
Les lignes déterminent des surfaces qui peuvent se prolonger au-delà du tableau —des sortes de hors-champ—, ou s’inscrire au contraire totalement à l’intérieur du cadre. Mais, si l’on regarde de près, ces lignes ne sont pas des limites rigoureuses, mais plutôt des bords pour la couleur: ils peuvent comporter des accidents, et ne donnent pas le sentiment d’enfermer la couleur.
Si, au départ, le choix de la couleur peut être totalement libre, une couleur va, au bout d’un moment, devenir déterminante et constituer la forme ou le fond à partir duquel les autres éléments du tableau vont s’organiser et prendre sens. Ce qui compte, c’est l’ambiguïté du rapport forme-fond.
Le couleur, mate, saturée, a pendant longtemps été appliquée au rouleau; depuis quelque temps, Bruno Rousselot travaille au pinceau. D’où des jeux de matière qui peuvent être plus ou moins perceptibles, l’essentiel restant toujours de trouver le «ton juste», celui qui fera apparaître la qualité de la surface, la matière ou l’opacité de la couleur, l’accrochage de la lumière par la peinture.
La dénomination des séries est ambivalente. Le recours à des initiales (A, C, D, E, F, L) peut faire penser à un système très abstrait, presque mécanique. Toutefois, chacune des initiales est associée à un nom évocateur: Aurore, Concorde, Delta, Éclat, Fragmentation, Labyrinthe, qui peut renvoyer aussi bien aux éléments formels du tableau qu’à une vision ou un moment extérieur. Concorde, par exemple, est une série constituée sur la base de rectangles colorés; elle évoque le nom de tableaux de Barnett Newman ou d’Ellsworth Kelly…
Chaque série est composée à partir de quelques éléments (des formes triangulaires dans Aurore, des formes quadrangulaires dans Concorde, une ligne brisée dans Labyrinthe…), qui peuvent générer des tableaux de même format, mais de composition et de couleurs variables.
Les formes qui apparaissent semblent le plus souvent donner un sentiment d’instabilité, de mouvement sur la surface. Parfois elles peuvent donner l’illusion de profondeur. En fait, le jeu entre des surfaces qui avanceraient et d’autres qui reculeraient n’existe pas. Bruno Rousselot n’en a pas conscience, et, d’ailleurs, ne les voit pas. Pour lui la toile est plane et les couleurs sont égales entre elles.
Mais son originalité est d’y avoir introduit, dès le départ, une humanité certaine: l’idée d’une connivence entre l’artiste et le spectateur n’est pas chez lui simplement fortuite. Ses Å“uvres créent, pour le spectateur, les conditions d’une méditation dans et avec le temps.
Vernissage
Mardi 5 novembre 2013 Ã 18h