Guillaume Herbaut est un photographe qui travaille principalement pour la presse. Mais en militant, il participe à la réforme du photojournalisme, à son affranchissement éthique, en cherchant à le dégager de ses dérives sensationnalistes.
A la Galerie Paul Frèches, récemment installée sur les pentes de la butte Montmartre, Guillaume Herbaut présente une série photographique en couleur réalisée à Ciudad Juà rez, quatrième ville du Mexique, plaque tournante de la drogue, à la frontière américaine, où 400 femmes ont depuis 1993 été retrouvées assassinées et violées dans des conditions horribles. La majorité des victimes sont des prostituées ou des ouvrières de moins de 20 ans.
En une vingtaine d’images, Guillaume Herbaut plante le décor macabre d’une ville où on ne vieillit pas, retranscrit l’atmosphère pesante de champs de massacres. Il réussit toutefois à se dégager des clichés trop souvent de rigueur: pas de veuve inconsolable pleurant son enfant disparue, pas de corps ensanglanté ou méconnaissable, pas d’images chocs.
A la production de sentiments et de compassion, plus vendeurs, plus accrocheurs, Guillaume Herbaut préfère celle de documents, de pièces didactiques. Ses photos ne sont pas destinées à répondre à une actualité «périmable» mais bien plus à participer à un devoir de mémoire.
De même que Sophie Ristelhueber ou Luc Delahaye avant lui, Guillaume Herbaut s’est tourné vers le champ artistique pour trouver les solutions lui permettant de produire différemment des images, de telle manière que si les thèmes de ses séries restent du domaine informatif, ses problématiques formelles et éthiques relèvent de celui de l’art. Comme d’autres, il a su tiré les leçons documentaires de Walker Evans et de l’école allemande en prenant le parti de la frontalité, de la distanciation et de la neutralité, contre celui du point de vue et de la subjectivité.
Cette influence se traduit très clairement au travers de ses paysages: désert, sans traces humaines, le lieu s’offre à lui-même. La prise de vue est frontale, nette. Mais à l’apparente tranquillité de ces terrains vagues se substitue toute l’horreur des faits révélés par une légende mentionnant le nombre et les noms des victimes retrouvées sur place. Les paysages, des lieux de crimes à la fosse commune, deviennent ainsi empreintes mnémoniques.
Quelques corps, quelques visages ponctuent l’exposition: on croise avec surprise le visage d’un cadavre de femme, une giclé du sang sur une voiture, comme autant de produits de grande sensation. Mais s’agissant de photos d’images parues dans la presse ou diffusées à la télévision, ces clichés relèvent du document, d’une interrogation éthique et sémantique de la photographie.
En piochant dans le vocabulaire de la photographie documentaire, Guillaume Herbaut interroge le photojournalisme, cherche un positionnement éthique acceptable pour rendre compte d’une mémoire collective.
Guillaume Herbaut
— 6/7: Ciudad Juà rez, 2007. 20 C-print encadrés. 60 x 40 cm.