Alain Fleischer
599
«L’empreinte d’un mythe», préface d’Adele Re Rebaudengo et Jean-Luc Monterosso
« Moyen d’expression éminemment populaire, la photographie est devenue aujourd’hui un art majeur : on l’édite, on l’expose, on la collectionne. Les grands musées européens affichent désormais une passion sans limites pour cet art jeune né au XIXe siècle.
Contrairement au cinéma ou à la télévision, la photographie a le pouvoir d’arrêter le temps et de permettre une analyse et une réflexion. C’est dans cette perspective que s’inscrit le projet «Piémont. Une définition» d’Agarttha Arte, — dont Adele Re Rebaudengo est commissaire. Chaque année, un artiste est sollicité afin de produire, en toute liberté, sous forme de carte blanche, un travail artistique. Mais la formation étant une priorité et une nécessité dans le monde d’aujourd’hui, une démarche pédagogique s’ajoute à ce projet. Choisi par l’artiste, un jeune étudiant d’une école des Beaux-Arts de la Région du Piémont a en effet la possibilité d’étudier et de produire, sous le regard de son aîné, une œuvre originale. Leurs réalisations seront ensuite offertes à un grand musée étranger. C’est Alain Fleischer qui cette année, a été choisi pour illustrer cette initiative.
Photographe, cinéaste, écrivain, quel autre artiste, en effet, pourrait se prévaloir de mieux connaître l’Italie ? Cet ancien lauréat de la Villa Médicis qui, depuis plus de quinze ans partage son temps entre Rome et le Nord de la France, voue à la patrie de Dante une passion sans partage. Comme Stendhal, il parcourt la ville éternelle, mais ses promenades s’accompagnent d’images, et au verbe s’ajoute ce que le génie humain a produit de plus merveilleux : la photographie. Dès lors, offrir à Alain Fleischer l’occasion de réaliser en toute liberté un travail en Italie s’imposait.
Mais une autre passion, plus discrète celle-là , allait très vite le convaincre de concentrer ses efforts sur la terre qui a vu naître sans doute une des plus belle aventures de l’ère moderne : l’automobile. Cette terre, c’est le Piémont de la mythique firme Pininfarina. Depuis l’enfance, Fleischer entretient avec les voitures de courses, et les Ferrari dessinées par Pininfarina en particulier, une relation étroite et quasi obsessionnelle. Grand admirateur de leur «design», il leur voue un culte inconditionnel. Non seulement il les collectionne, mais il en fait, comme dans ce livre, le matériau de son travail artistique.
Fidèle à sa démarche il nous propose des images empreintes d’une réflexion sur ce que la photographie peut ajouter au réel. C’est pourquoi, pénétrant dans le saint des saint — l’usine Ferrari de Maranello —, il s’est intéressé à ce que l’on ne voit jamais, à savoir les matrices originelles qui ont servi à créer ces moteurs et ces carrosseries de rêve. Le moule est ici comme le négatif dans la photographie, et ce qu’Alain Fleischer nous révèle, c’est l’empreinte invisible qui permet de faire surgir les formes. Comme autant de sculptures, ces images opèrent un renversement du regard qui, soudain, fait coexister le dedans et le dehors. Un essai «Des Dinky Toys à la 599» et une nouvelle «599» accompagnent ce travail dédié à l’automobile. Un discours croisé s’établit pour stimuler l’imaginaire et par la fiction du récit, fixer, comme dans la chambre noire du photographe, le rêve des formes à l’œuvre chez Pininfarina. Par l’image et les mots, Alain fleischer créer un nouveau langage qui constitue, à sa manière, un hymne à l’Italie et à son génie. »
Ce livre, réalise sous la direction d’Adele Re Redaubengo, paraît dans le cadre du projet «Piémont. Une définition», de l’Agarttha Arte, conçu par Adele Re Redaubengo et Patrizia Mussa, et accompagne l’exposition «599», présentée à la Maison Européenne de la Photographie, à Paris, du 14 mars au 3 juin 2007 (voir à ce sujet l’article d’Etienne Helmer sur Paris-Art).
Alain Fleischer, né en 1944, est cinéaste, écrivain, photographe et plasticien. Directeur du Fresnoy, Studio national des arts contemporains, il est aussi enseignant.