Communiqué de presse
Philippe Meste, Dieter Roth
«                                  »
Il y a un an, alors que Oui prenait la mesure de son premier hiver, il avait été décidé de lutter contre le froid: pour son exposition personnelle, Elodie Lecat convoquait les marches sur le feu de Victor Segalen ; puis à la veille des Fêtes de fin d’année, nous organisions un marché de Noël, avec ses ridicules stands enguirlandés et son sapin odorant («Le Noël de Oui»); enfin en janvier et février, Fabrice Croux domestiquait sa meute, et faisait de Oui une clairière dans laquelle se promener et profiter des premiers rayons de soleil (exposition «La meute tranquille»).
Cette année, il n’en est rien. Nous avons décidé d’une exposition d’hiver qui ne réchauffera personne, qui ne sera pas le but agréable d’une promenade vivifiante, qui ne détendra pas non plus les oncles et les tantes entre deux repas de famille. Nous la pensons comme un moment glacial. Le lieu sera pour la première fois entièrement nu, sans mur cimaise, sans cloison, et l’architecture de Oui se déploiera, industrielle, fonctionnaliste et froide. Il n’y aura pas de chauffage. Le dedans et dehors se confondront… Ce projet sera aux autres expositions de l’année ce qu’est l’hiver aux 365 jours du cycle des saisons: des jours éprouvants, bordés par la nuit. Et s’il est vrai que «l’art n’est pas le dimanche de la vie » (Christian Bernard), alors il s’agira bien d’une exposition d’art.
Il y aura d’abord une monographie consacrée aux armes de Philippe Meste. Dans les années 1990, cet artiste a développé un travail de sculpture qui était également une oeuvre d’armurier: Bateau de guerre, Gunpower, Bagpower, Robotgun… Des armes, belles, brillantes, efficaces, qui permettent d’endommager un mur ou d’attaquer une voiture… d’entamer une guérilla urbaine donc, mais qui pourtant ne sont chargées que de fusées de détresse. Des armes pour attaquer qui, donc ? Et puis des armes fabriquées avec la détresse de qui ? Qui doit s’en saisir ? Posées à même le sol de béton brut, elles formeront le premier épisode de notre hiver.
Puis sera construit dans l’espace d’exposition un sauna norvégien, qui sera mis à disposition des spectateurs. Quatre-vingts degrés Celsius, quatre-vingt-dix degrés Celsius, douche froide, puis à nouveau quatre-vingts degrés, quatre-vingt-dix degrés ; quatre-vingt-quinze degrés même ? Les corps nus sueront, exsuderont leurs miasmes, se mettront à l’épreuve de la chaleur, et repartiront comme engourdis par l’expérience. L’esthétique qui est au coeur de l’oeuvre d’art, cette esthétique qui étymologiquement veut dire «sensation», sera ici donnée à l’état brut – à nue ; sèche elle aussi.
Enfin, pour boucler cette exposition, nous disposerons, seule au milieu de Oui, une grande pièce de Dieter Roth : KarnickelKöttelKarnickel (1972). Il s’agit d’un ensemble de sculptures représentant des lapins que Dieter Roth a modelés avec du chocolat, de la paille et de la merde. Les jours d’hiver passent. Les feuilles tombées au sol deviennent de l’humus. L’ours qui hiberne digère. Il transforme lentement son orgie de l’automne en un bouchon d’excrément. Sa respiration est lente. Son corps s’amincit doucement. Il dort.
Cette exposition dans son ensemble porte un titre imprononçable. Il s’agit de «                    » , soit un titre écrit en blanc sur le blanc, un titre silencieux comme une disparition hivernale. Du blanc, du vide, de l’absence, de la douceur aussi, comme lorsqu’on s’endort une dernière fois dans le froid.