Sur une proposition de la galerie Bernard Jordan et de la société Dauchez, Christophe Cuzin dégage aujourd’hui la règle d’un espace de plus de trois cents mètres carrés, dont les agencements complexes s’articulent sur un patio central d’où la lumière paraît. Architecture intérieure forte qu’une peinture blanche recouvre banalement du sol jusqu’au plafond, et sise au rez-de-chaussée du 29, rue du Louvre. La règle est écrite sur un mur près l’entrée, sans détour, lapidaire : « Entourer chaque mur vertical d’un trait de couleur. Changer de couleur à chaque changement de plan ».
L’artiste a développé depuis 1986 une recherche à la fois sérielle et progressive, dont l’élément primordial est un trait peint, large de treize centimètres. Son utilisation est soumise à la règle édictée par l’artiste — ligne de conduite formelle appliquée systématiquement à l’espace qui l’a déterminée. Règle plastique stricte, qui doit ordonnancer le jeu particulier des modules essentiels que sont la ligne et sa couleur — parfois la seule couleur, plus rarement le volume.
Autant d’éléments placés comme en réserve de l’espace investi et qui interfèrent plastiquement avec ses aspects propres. Dès lors, les tensions rythmiques, les proportions, les figures perspectives des agencements spatiaux structurent comme un lieu neuf, dissous jusqu’alors dans la blancheur des murs. Espace dans l’espace, décalage manifeste, marqué, objectivé par le trait coloré. La formule réduit à l’essentiel le geste de peindre — autant celui de l’artiste que celui du peintre en bâtiment comme Cuzin l’exprime tacitement en recourant, pour tout médium, à la peinture de bâtiment.
Des premières séries où un format tendu d’un lin écru formaient un motif symétrique (ARCA, Marseille, 1986), aux nombreuses interventions à la galerie Bernard Jordan jouant des lieux et de leur lumière, le travail de Christophe Cuzin scande la quête d’un minimalisme toujours plus essentiel, où la couleur, comme ligne, plan peint, voire toile tendue en un plafond opaque qui filtre la lumière (Carré d’Art, Nîmes, 2001), intervient comme un surplus issu de la structure de l’endroit visité.
Parmi d’autres expériences hors le réseau traditionnel de l’art (réalisation d’un spinaker ouvragé pour le voilier Charles Jourdan ; intervention au café de la Flèche d’Or à Paris), la commande publique en 1996-1999 des vitraux de l’église de Lognes et de son mobilier fut l’occasion pour Christophe Cuzin d’interroger la Règle de Saint-Bernard, modus vivendi des moines cisterciens. Règle éthique à la rigueur proverbiale, que l’artiste aime à décrire comme une allégorie de sa propre pratique.
La règle de Cuzin, fondée dans l’essentiel d’un geste primordial scandé pour disparaître afin de mieux marquer l’ensemble du réel de cet accord supplémentaire, appelle certainement à une méditation foncière, comme au dépassement des perceptions directes pour que du lieu commun survienne un lieu topique — sinon juste utopique.
Christophe Cuzin :
409021, 2002. Adhésif coloré (maquette pour une réalisation peinte).