Nord, Est, Sud, Ouest: l’artiste suédois Henrik Samuelsson décline les quatre points cardinaux en quatre toiles de grand format (180 x 216 cm) représentant systématiquement une pièce vide — ou presque — dont les portes et les fenêtres laissent entrevoir, voire pénétrer, le monde extérieur.
Dans un séjour aux murs tapissés de papier fleuri (South), un homme, apparaissant en négatif, passe l’aspirateur. Des flocons de neige géants, tournoyant au-dessus d’un pourceau égaré, ont ici remplacé la poussière. Dans l’entrebâillement de la porte, un autre homme, dont ne reste que le tronc habillé d’une veste, semble observer la scène, les bras croisés. Par la fenêtre, une boxeuse s’apprête à frapper du poing, sur fond de paysage de montagne et de ciel azuré.
Présence/absence, intérieur/extérieur, homme/animal, positif/négatif… A l’image des points cardinaux — Nord/Sud, Est/Ouest — ces différentes polarités, récurrentes dans le travail de l’artiste, soutiennent un univers onirique aux accents surréalistes dans lequel domine l’absurde et persiste cette forme fluide et fuyante, qui opère de constants aller retour entre intérieur et extérieur, rêve et réalité, passé et présent, et nous entraîne là où nul ne s’attend à aller…
Dans North, le tableau accroché au mur devient vivant: le bras mécanique d’une pelleteuse fait irruption dans la pièce. Au loin, des cheminées d’usine dégagent leur épaisse fumée blanche alors que tombe la nuit. Le plancher semble s’être fondu en une marée noire, où surnagent un couple de canards et un crâne d’animal.
Dans West, deux bras d’homme auréolés de quelque force magique sont tendus vers l’intérieur de la pièce à travers deux ouvertures distinctes. Au fond figure un tableau représentant une voiture en réparation, coffre, capot et portières ouverts. Au centre, un tas de foin en train de sécher selon une ancienne méthode évoque un mystérieux objet camouflé alors qu’une structure d’acier descend depuis le plafond par une trappe d’où tombent quelques flocons de neige démesurés. Franchissant le pas de la porte, une infirmière souriante s’apprête à aller délivrer ses soins à un destinataire inconnu.
Dans East, une vieille micheline suédoise joue les passe-murailles, filant au-dessus du vide, alors qu’en direction de la fenêtre, un veau observe de biais la nuque d’un homme face à l’étendue verte d’un terrain de football.
A partir de photographies, Henrik Samuelsson compile des éléments du réel qu’il re-traite et réinjecte dans des contextes toujours nouveaux. Ainsi en est-il du veau, du train, de la pelleteuse, du cochon, des canards, des flocons de neige, des cheminées d’usine, du boxer, de la voiture, etc.
La technique à laquelle a recours l’artiste brouille les pistes du genre pictural: «Est-ce bien de la peinture?», n’est-on pas loin de s’interroger tant est présent l’effet de collage, qu’accompagne l’effet de saturation des contrastes, voire de négatif, dont le résultat, qui vient confèrer à l’image un grain tout particulier, rappelle des procédés autrefois manuels telle que la sérigraphie — sans même parler de quelques uns des inombrables dons du logiciel de retouche d’image Photoshop…
Henrik Samuelsson nous invite à un voyage autour de la rosace des vents. Nord, est, sud, ouest: autant de directions, de points de vue, d’ici et d’ailleurs où s’abolissent les frontières dans le temps et l’espace et où la composition fait jaillir l’incongruité du réel.
Henrik Samuelsson
— North, 2006. Mixed media on canvas. 180 x 216 cm.
— East, 2006. Mixed media on canvas. 180 x 216 cm.
— South, 2006. Mixed media on canvas. 180 x 216 cm.
— West, 2006. Mixed media on canvas. 180 x 216 cm.