L’exposition «4 artistes» reprend ouvertement le sujet du documentaire de Michael Blackwood tourné en 1987, lui-même titré 4 artistes. Robert Ryman, Eva Hesse, Bruce Nauman et Susan Rothenberg formaient le quatuor que Michael Blackhood avait lié «par leur seule intention d’exposer leurs idées à travers l’art, déconnectés de tout concept de beauté, de narration et de représentation».
Vingt ans plus tard, la galerie Chez Valentin se saisit de la démarche quelque peu iconoclaste du documentariste américain. Elle lui attribue cependant un autre rôle. Ou plutôt, elle cherche à la prolonger en tentant de définir ce que pourrait être un post-minimalisme du XXIe siècle.
Pour relever ce défi des plus ardus, les artistes retenus s’appellent Sophie Dubosc, Andrew Mania, Anne Neukamp et Gitte Schäfer. Aucun ne suit le même chemin. Ils cultivent pourtant la même économie du geste, le même souci d’afficher des travaux modestes, discrets, anti-autoritaires. Le tout s’accommodant d’un phrasé poétique identique, où l’imaginaire, la métaphore échappent à l’emprise du réel. La narration n’a pas disparu bien au contraire, mais elle est diffuse et contrecarrée par l’ambiguïté du sujet.
Un sujet qui, la plupart du temps, se confond avec l’art lui-même ou les matériaux qui produisent de l’art. Cette rhétorique était déjà entretenue par les minimalistes, Donald Judd en tête. Les post-minimalistes y avaient eux-mêmes contribué, poursuivant les travaux de leurs ainés en les « humanisant », en les confrontant aux corps du spectateur bien plus qu’à l’espace et à l’architecture. Les Corridors de Nauman, les Neon sign de Dan Flavin en sont des exemples parmi d’autres.
Ce que produisent ici les «4 artistes» s’inscrit dans ce continuum artistique. L’agencement de l’oeuvre soumis à la nature du matériau chez Gitte Schäfer, une certaine forme d’énigme dans la lecture de l’objet qui finit de le rendre non pas abstrait mais lunaire, hors du temps comme chez Sophie Dubosc et surtout Anne Neukamp.
Mais plus que tout et puisqu’il faut tuer le père, avec cette nouvelle génération d’artistes minimalistes, c’est la narration qui reprend ses positions. Une narration qui ne fuit pas la représentation de la figure (Andrew Mania), qui s’empare aisément des mythes de la culture populaire (Gitte Schäfer) et des grands phares de l’histoire de l’art (les références à la peinture du Nord chez Anne Neukamp, au vocabulaire minimaliste chez Sophie Dubosc).
Une narration à l’image de la culture contemporaine donc, à la fois profuse, multiréférencée et profondément désenchantée. Les objets produits en portent les stigmates: ils n’ont pas d’âge, ils voisinent avec un large corpus d’oeuvres. Et puis ils s’amusent de cela et s’arrangent pour rester dans les marges, abrités derrière l’humour et la confusion des genres.
Mais ils gardent aussi et surtout leur faculté de résistance au monde, à la production continue d’images et d’informations. Voilà peut-être ce qui en fait de véritables enfants du post-minimalisme.   Â
Andrew Mania
— Sans titre (Bellini), 2006. Couverture de livre, collage, couleurs vernis. 58 x 58 cm.
— Sans titre (triangle), 2007. Grillage, ficelle. 52 x 46 x 46 cm.
— Untitled (woman shadow profile), 2007. Crayons de couleurs, bois, pastel. 44 x 46 cm.
Anne Neukamp
— Matatal, 2007. Huile sur toile. 220 x 180 cm.
— Im Tal, 2007. Huile sur toile. 50 x 60 cm.
— Sans titre, 2007. Huile, détrempe à l’oeuf sur toile.
40 x 50 cm.
— Sans titre, 2007. Huile, détrempe à l’oeuf sur toile.
33 x 36 cm.
— Sans titre, 2007. Huile, détrempe à l’oeuf sur toile.
27 x 32 cm.
— Kleinwaisertal, 2007. Huile, détrempe à l’oeuf sur toile. 90 x 110 cm.
— Landschaft mit Punkt, 2006. Huile, détrempe à l’oeuf sur toile. 50 x 60 cm.
— Sans titre, 2007. Huile sur toile. 48 x 42 cm.
Gitte Schäfer
— Helmet, 2008. Résine, plumes. 90 x 36 x 10 cm.
— Igor, 2008. Argile, graphite. 44 x 49 x 10 cm.
— Tigran, 2008. Acrylique sur bois. 83,5 x 43 x 2 cm.
— Ronco, 2007. Verre. 46,5 x 31,5 x 22 cm.
— Ludin, 2007. Verre. 107 x 30 x 46,5 cm.
Sophie Dubosc
— Angle mort, 2007. Bois, eau, colorant blanc. 70 x 90 x 88 cm.
— Sans titre, 2007. Résine, plâtre, bois. 140 cm de hauteur.
— Hotte, 2007. Filasse de plombier, bois. 90 x 27 x 80 cm.  Â