ÉCHOS
01 Jan 2002

28.06.07. PHOTO. Le droit des images de François-Marie Banier

L’ouvrage Perdre la tête, publié en octobre 2005 chez Gallimard, a bien failli coûter cher à son auteur, François-Marie Banier, traîné devant les tribunaux par trois plaignants pour atteinte à la vie privée et à la dignité humaine.

L’ouvrage Perdre la tête, publié en octobre 2005 chez Gallimard, a bien failli coûter cher à son auteur, François-Marie Banier, traîné devant les tribunaux par trois plaignants.
L’enjeu de ces procès consistait à déterminer l’écart, souvent flou, qui discerne le droit à l’image, qui protège la vie privé et la dignité des personnes photographiées ou filmées, de la liberté d’expression individuelle.

Le premier procès opposait François-Marie Banier à Isabelle de Chastenet de Puységur, attaché de presse, qui contestait la publication de son portrait dans Perdre la tête. La photographie la décrit assise sur un banc public parisien, en train de téléphoner et de tenir son chien en laisse. En surprenant le photographe en train de faire son portrait, elle déclare lui avoir «manifesté son opposition». Après la publication du livre, qui mélange portrait de gens connus et de marginaux ou d’exclus, elle le poursuit pour atteinte à la vie privée et lui réclame 200000 euros de dommages et intérêts. Elle reproche notamment à François-Marie Banier de porter préjudice à son travail et atteinte à sa personnalité en la faisant passer pour «une élégante indifférente au sort d’autrui».

Le 9 mai dernier, le Tribunal de grand instance de Paris a rendu son verdict dans cette première affaire en donnant tort à Isabelle de Chastenet de Puységur, soulignant que la photographie «exempte de toute légende ou commentaire» ne trahit nullement son identité et son intimité. Le tribunal a précisé qu’aucun élément ne permettait de conclure à un préjudice particulier.

Le second procès, traité le 25 juin, apparaît plus sensible dans la mesure où les deux plaignantes sont placées sous tutelle judiciaire en raison de la fragilité de leur état mental. L’association Espace Tutelles, chargée de ses femmes majeures, a saisi la justice en leur nom pour atteinte à la dignité humaine et à la vie privée. Dominique Pelloux-Prayer d’Espace Tutelles estime que ces femmes sont présentées dans des positions dégradantes, qui ne tiennent pas compte de leur fragilité. La première, qui fait la couverture de Perdre la tête, est photographiée la bouche ouverte, coiffée d’un bonnet et fumant un cigare. L’autre plaignante est présente cinq fois dans l’ouvrage dans des poses grimacières.

Pour l’association, ces clichés, associés aux autres images et au titre de l’ouvrage, favorisent «l’exclusion et le rejet» de ces femmes. Pourtant, l’éditeur de Perdre la tête avait publié, dès décembre 2005, un nouvel exemplaire du livre ne comportant pas les clichés mentionnés. Le tribunal a donc estimé que la première édition n’avait pu entraîner de conséquences particulières sur leur image.

Soulignant que la démarche et les intentions François-Marie Banier sont empreintes d’humanité et de respect pour les personnes qu’il photographie, le tribunal a conclu que ces clichés ne pouvaient avoir pour but la quête du sensationnel, et ne comportaient donc pas de caractères dégradants ou discriminants. Le tribunal a également rappelé que le droit à l’image devait se concilier avec le droit à la liberté d’expression, précisant qu’en «absence de toute atteinte à la dignité humaine, il convient de privilégier la liberté d’expression sur le droit à l’image de personnes – même vulnérables – que le photographe entend précisément défendre».

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