ART | CRITIQUE

25/24, Angela Detanico et Rafael Lain

PMuriel Denet
@23 Mai 2008

Angela Detanico et Rafael Lain, un couple d’artistes brésiliens installés en France, mènent une œuvre singulière qui, sur un mode économe et ludique, met en question ce qui se donne pour évidence dans les représentations conventionnelles et codifiées, aussi usuelles que l’alphabet ou la cartographie, qui irriguent la vie quotidienne.

Typographies, signes, symboles, ces matériaux déjà informés, déjà chargés des significations qu’ils véhiculent, sont refaçonnés, réagencés, démultipliés, mis à l’épreuve sur des supports inattendus, et lancés  dans l’exploration des conventions régissant les rapports espace/temps.

D’entrée, une moquette, posée dans le vaste hall du Jeu de Paume, dont une rose des vents est le motif démultiplié, permet l’orientation du spectateur dans l’espace. Non pas à  l’échelle du Musée, mais bien à celle du globe. Ce qui en fait, pour le coup, un sérieux Motif de désorientation.

Dans la mezzanine, la Terre encore, mais sous forme de planisphères cette fois. Sans continent. Ne restent, sur ces cartes vivement colorées, que des fuseaux horaires, dont on sait tout ce qu’ils ont de conventionnels.
A la fois géométriques et géopolitiques, ils sont ici utilisés pour la valeur alphabétique que leur avait attribuée un mathématicien américain du XIXe siècle. Les fuseaux s’étirent et se chevauchent, délivrant un texte, abstraction vibratoire, qui indique l’heure qu’il est, quand il est midi à Paris.

Vibratoires aussi, les deux projections vidéo monochromes, d’une même image fixe, en positif et négatif, ou plutôt en sélectionné et coupé, selon les conventions d’un célèbre logiciel de retouche. Le soleil est sur le point de disparaître derrière la montagne, le temps est bloqué, pourtant les pixels eux varient d’intensité, et créer une illusion de mouvement suspendu : un entre-deux entre image fixe et image vidéo, pixels et grains de lumière.

Les ombres tournent en temps réel, par contre, dans la projection d’un pentagone, qui évoque LE Pentagone. Mais il faudra au spectateur beaucoup de temps et de patience pour voir, à défaut de crash, le temps passer. Un temps parfaitement inadéquat à celui d’une exposition, contenu dans les horaires d’ouverture du Musée, condensés conventionnels parfaits d’usages et de lois, de ceux que Detanico et Lain aiment à pointer, perturber, et ouvrir sur une autre dimension, comme sur une 25e heure.

Angela Detanico & Rafael Lain
— Motif de désorientation, 2008. Moquette imprimée.
— Midi à Paris, Dix Heures à Oslo, Sept heures à Vancouver, Treize heures à Zanzibar, Une heure à Hong Kong, 2008. 5 tirages numériques contrecollés sur dibond, 60 x 70 cm – nouveau projet pour le Jeu de Paume.
— The Shadow of the Pentagon, 2008. Animation vidéo projetée, noir et blanc, 24 heures – nouveau projet pour le Jeu de Paume.
— Selected Landscape / Deleted Landscape, 2005-2008. Deux vidéos noir et blanc.

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