L’œuvre de Dominique Petitgand, Je m’en vais ouvre l’installation. Une voix enfantine s’élève d’une enceinte placée à l’entrée; elle explique la manière dont elle va fuguer. D’autres enceintes, placées aux quatre coins du grand rectangle blanc de la salle d’exposition permettent à cette œuvre de résonner dans l’esprit du visiteur, de l’englober dans la scène qui se joue autour de lui.
La voix de la petite fille est souvent interrompue par un brouhaha de fête, des éclats de voix, des sons inquiétants aussi mais lorsqu’elle parle, sa voix parvient distinctement, déterminée. Certains sons ont une fonction narrative comme le grincement de sa porte d’entrée.
Alors que l’histoire de l’enfant se termine débute, venue d’une dizaine d’enceintes rondes suspendues au plafond, un son sourd, que l’on devine issu de la nature mais qui reste indéfinissable. Il s’agit de Sphérics de Dominique Blais.
Le son ressemble à une forte pluie et à son ruissellement sur le sol, ainsi qu’aux roulements d’un objet que l’on déplacerait dans ces conditions. L’Å“uvre est en fait issue d’une expérience menée sur la base scientifique franco-allemande (AWIPEV) située à l’extrême nord de la planète. Elle résulte de l’enregistrement de VLF (Very Low Frequencies). Ces fréquences, «produites par des événements issus d’une strate de l’atmosphère appelée magnétosphère», ont ensuite été ramenées au domaine de l’audible et enregistrées.
L’exploration des techniques du son intervient également dans Loop, de Pascal Brocclichi. Composée d’un large cercle de métal contenant un ressort en son centre, cette installation permet d’éprouver le son à l’aide de vibrations. Il s’agit d’une amplification progressive et inquiétante de sons technologiques, qui rappellent ceux que peuvent produire un modem ou un minitel lors de la connexion.
Enfin Skilled Labour de Jérôme Poret utilise la lumière comme accompagnateur et amplificateur du son. Une vaste enceinte rectangulaire est éclairée d’un halo de lumière orangée dont la densité augmente au fur et à mesure que s’amplifie le son, qui pourrait être comparé à un grondement de tonnerre ponctué de coups sur le sol. Un vent violent semble grandir, parallèlement à la lumière, avant que les deux ne s’arrêtent brusquement.
Le visiteur perd ses repères sensoriels dans cette polyphonie qui stimule l’imagination. On peut très bien imaginer les sons inquiétants, non figuratifs, des trois dernières œuvres comme le prolongement de la fugue de la petite fille, de l’angoisse qu’elle peut ressentir. On peut également trouver à l’enregistrement de cette voix humaine une toute autre interprétation et l’étudier de manière technique, en faire une combinaison de fréquence et de sons.
Dominique Petitgand
— Je m’en vais, 2009. Installation sonore pour cinq haut-parleurs.
Dominique Blais
— Spherics, 2009. 16 haut-parleurs, amplificateurs, câbles, échantillons sonores.
Pascal Brocclichi
— Loop, 2007-2009. Dispositif sonore/ Anneau et ressort métalliques laqués blancs, système de diffusion équipé de 4 vibrateurs basses fréquences, 4 haut-parleur coaxiaux, lecteur cd, amplificateur, 2 caissons de compression en contre-plaqué blanc. 5’40″.
Jérôme Poret
— Skilled Labour, 2009. Projecteur, bois, lycra, haut-parleur et évent.