Présentation
Directeur éditorial : Richard Leeman
20/21 siècles n° 5-6. Histoire et historiographie. L’art du second XXe siècle
Comment l’histoire de l’art de la seconde moitié du XXe siècle a-t-elle été peu à peu élaborée par les critiques, les conservateurs, les historiens d’art, les galeristes… ? Telle est la question à laquelle tentent de répondre les auteurs de ce numéro. Depuis les première catégories forgées dans l’après-guerre jusqu’aux révisions les plus récentes, ces articles contribuent à une histoire des représentations du demi-siècle écoulé.
Extraits de l’introduction de Richard Leeman, «Histoire, historiographie et imaginaire historique»
«Un historien inaugure un de ses ouvrages, d’ailleurs éminemment recommandable, dans une référence implicite à l’Apologie de Marc Bloch « pour l’histoire ou métier d’historien », par un axiome aussi net que sans appel : « L’histoire c’est ce que font les historiens ». Sur ce modèle, et s’il fallait faire une « apologie pour l’histoire de l’art » — on sait que certains s’y risquent périodiquement — il faudrait donc commencer par conclure que « l’histoire de l’art, c’est ce que font les historiens de l’art ». Une définition après tout satisfaisante et dont se satisfont d’ailleurs ceux-ci, pour la plupart.
Cet axiome peut faire penser à celui de Robert Filliou, à peu près similaire quoique plus explicitement duchampien : « L’art c’est ce que font les artistes ». Grâce à quoi l’on se trouve désormais en mesure de préciser un peu les choses : l’histoire de l’art, suivant ces préceptes fondateurs d’un historien de métier qui fait de l’histoire et d’un artiste qui fait de l’art son métier, serait « ce que font les historiens de ce que font les artistes ». […]
Ce préambule vise à tenter de définir notre objet : « l’histoire de l’art », définie en premier lieu comme un discours — au sens où l’entend précisément l’analyse du discours. On peut à cet égard préférer le terme plus classique d’historiographie qui désigne plus nettement « l’écriture de l’histoire » autant que son étude. Le terme, qui reproduit certes l’homonymie entre un discours et son objet, a l’avantage d’échapper à la détermination notamment institutionnelle qui pèse sur le vocable histoire (ou histoire de l’art). À la question « Quel est l’objet de la discipline historiographie ? », il serait difficile de ne pas répondre que cet objet, c’est « l’écriture de l’histoire », son inscription, sa mise en forme dans un discours. […]
Ce numéro est dédié à l’étude d’un imaginaire historique aux origines à la fois diffuses et indéfinies — du moins relativement, cet imaginaire étant pour une grande part produit par la critique, les musées, les « commissaires » voire les artistes eux-mêmes. Il s’agit d’une tâche certes immense à laquelle cet ouvrage entend seulement contribuer, par l’examen de dossiers précis qui en constituent autant d’angles d’attaque. Ces études sont réunies à la fois chro-nologiquement et thématiquement : deux premiers chapitres examinent des textes produits en Europe de l’après-guerre à la fin des années soixante ; le troisième s’attache à l’évolution du récit moderniste américain à partir des années soixante-dix ; le quatrième interroge les conditions d’une histoire d’un art contemporain qui se pense désormais dans les termes d’une mondialisation ; le dernier étudie deux cas exemplaires d’interventionnisme d’acteurs dans l’écriture de leur propre histoire.»