Dove Allouche, Katinka Bock, Ulla von Brandenburg, Daniel Gustav Cramer, Jason Dodge, Alexander Gutke, Guillaume Leblon, Jan Mančuška, Margaret Salmon, Bojan Šarčevic, Lonnie van Brummelen & Siebren de Haan, Joao Maria Gusmao, Pedro Paiva, Jordan Wolfson
1966-79
En collaboration avec le Mac Lyon, L’IAC invite in situ Laurent Montaron à proposer, en tant que commissaire d’exposition, un regard sur les artistes de sa génération. L’exposition rassemble ainsi seize artistes nés entre 1966 et 1980, et interroge implicitement l’empreinte sur cette génération de l’héritage artistique des années 60 et 70.
Le titre 1966-79 renvoie au livre de Lucy R. Lippard paru en 1973, Six Years: The dematerialization of the art object from 1966 to 1972. Conçu comme un journal, il rassemblait des documents sur les principaux mouvements artistiques des années 60 et 70. L’auteur y avançait notamment l’idée de dématérialisation, notion à partir de laquelle elle traitait d’un ensemble de pratiques hétérogènes fondées sur un art d’action et d’idée, rendant compte ainsi d’une transformation significative des pratiques de l’art de l’époque.
Si ces artistes – conceptuels notamment – réagissaient au formalisme et voyaient dans la dématérialisation de l’œuvre une possibilité d’échapper au marché, ce sont d’autres enjeux dont il est question aujourd’hui.
Issus d’une même génération, les artistes rassemblés dans l’exposition «1966-79» ont en commun un intérêt pour la forme. Prenant leurs distances avec la dématérialisation contemporaine générée par un processus global d’informatisation, ils ancrent leur travail dans des recherches qui s’apparentent à une forme d’archéologie, se réappropriant des gestes, des procédés et des techniques dont le sens, perdu ou enfoui dans un passé proche, semble nous échapper. La matérialité de l’image, sa reproductibilité et sa disparition, sont explorées par Dove Allouche et Alexander Gutke dans des œuvres engageant des processus d’enregistrement mécaniques et de révélation chimiques.
A une époque de dématérialisation des supports, l’utilisation de pellicule argentique ou de procédés de développement expérimentaux traduit la préoccupation de ces artistes pour la matérialité de l’œuvre, sa fragilité et sa persistance dans le temps. Ainsi, avec Les dernières couleurs, œuvre réalisée à partir des derniers plans sur films autochromes produits dans les usines des frères Lumière en 1952, Dove Allouche tente de recouvrer la mémoire photographique d’un média disparu. Katinka Bock, Bojan Šarčević, Jan Mančuška et Guillaume Leblon évoquent la capacité de la matière à transcrire l’écoulement du temps, la répétition d’un geste, ou la mesure d’une distance. Leurs œuvres orientent le propos de l’exposition vers les notions de trace, d’empreinte, et de manière générale vers les formes qui rendent comptent du passé.
A cet égard, l’œuvre de Katinka Bock, Sechs Flächen und ein Raum [Six surfaces et un espace], invente une manière de représenter l’espace, par la découpe de plaques d’argile aux dimensions d’une architecture. La volonté de renouer avec une forme de transmission se manifeste enfin par un réinvestissement du récit et des liens qu’il permet de tisser. C’est notamment le cas dans le travail de Jason Dodge, de Margaret Salmon, de Daniel Gustav Cramer et de Jordan Wolfson, ou bien encore chez Joao Maria Gusmao & Pedro Paiva, dont les films interpellent l’imaginaire et la mémoire du spectateur.
Le récit historique et politique prend également toute sa place dans l’exposition. Dans leur film Subi dura a rudibus, Leonnie Van Brummelen et Siebren De Haan s’intéressent ainsi aux représentations d’événements historiques, tandis qu’Ulla von Brandenburg réveille à travers des agrandissements de motifs de quilts le souvenir des luttes menées par les esclaves nord-américains pour gagner leur liberté.
Commissaire: Laurent Montaron
Membre du réseau Adèle.