Les œuvres de cette exposition ont un statut incertain. On hésite à les qualifier de tableaux. Ce sont des tableaux et des sculptures flirtant avec l’installation.
Que dire de ces gigantesques tableaux-rideaux réalisés à partir de chaînettes ? Philippe Bradshaw utilise plusieurs rideaux de chaînes qu’il superpose de manière à créer l’image. De près, seules les chaînes sont visibles. De loin, comme face à un tableau impressionniste, l’image apparaît, en volume et avec précision. La superposition des couches de chaînes crée de la profondeur et des tableaux en deux dimensions. La monumentalité et le jeu optique participent à engager le spectateur dans l’œuvre.
Les œuvres ont de multiples sources d’inspiration. Certaines présentent des motifs un peu japonisants comme de grosses fleurs, d’autres des dragons évoquant l’art chinois. Mais la plus grande source d’inspiration de Philippe Bradshaw est l’histoire de l’art : Warhol, Vinci, Manet et Klimt sont particulièrement présents dans cette exposition. En effet, deux grandes Jocondes sont disposées de part et d’autre de la porte de la grande salle de la galerie : l’une est un dégradé de noirs, l’autre un dégradé de rouges, contribuant à donner à la Joconde de Vinci un gigantisme un peu fantomal. Aussi, une vanité et une chaise électrique sont des clins d’œil directs à Warhol.
Enfin, il faudrait insister sur l’utilisation de la Danaé de Klimt. Philippe Bradshaw réinterprète le mythe sur plusieurs niveaux.
Sur un mur, il se réapproprie le tableau sublime de Klimt : une Danaé excessivement sensuelle recevant la pluie d’or entre ses larges cuisses. Parallèlement, Philippe Bradshaw projette sur le mur perpendiculaire une vidéo figurant la vie urbaine (passants, voitures qui défilent) autour d’un arrêt de bus, arrêt de bus sur lequel une affiche publicitaire retient toute l’attention.
Cette affiche n’est autre que celle de la marque Dior, pour un de ses parfums : une figure féminine vêtue d’une robe dorée apparaît sous le slogan «Dior j’adore». Il y a là un jeu de parallélisme évident entre Danaé, la pluie d’or et sa récupération commerciale et volontairement érotisée par la publicité. Le mannequin Dior est exactement dans la même position que la Danaé de Klimt : la jambe gauche relevée et repliée vers elle. Elle est cependant nettement moins sensuelle…
Les mythes et les icônes se répètent et se rejouent inlassablement…
Philippe Bradshaw
— Better than telly ’Basic Pointilism violent aggressive’ perversion dribble taking a leaf from someone else chip, 2001. Anodised aluminium chains, videoprojector and videoplayer. 250 x 330 cm
— Midlife CMrisis 3 Ladies Toilet, Wentworth Street Having Mc Cake and Eating it To The Sound of Music, 2000. Anodised aluminum chains, video. 480 x 330 cm
— Danae, 2006. Anodised, aluminum chains, video. 289 x 366 cm
— Dragon, 2004. Anodised aluminum chains. 350 x 500 cm
— Mr Tooth the Boss Chasing Rainway and Cristal Tips in the Backyard, (Skull after Warhol), 2003. Anodised aluminum chains. 314 x 331 cm. 3 Layers, video.