Communiqué de presse
Claude Lagoutte
1935-1990
En 1976, le peintre Claude Lagoutte trouve un apaisement après s’être résolu à laisser flotter sa toile, à renoncer au châssis qui la tendait et aux contours stricts qu’il lui imposait. Le rejet des limites du cadre lui permet des extensions, des rajouts, des allées et venues, et lui donne le sentiment d’une liberté retrouvée, cette même liberté qui le pousse sur les routes, sac au dos, humant l’air en notant de manière presque obsessionnelle une incidence de couleur au coeur d’un champ monochrome, un champ de labour à l’étendue palpitante.
Fini donc la toile tendue, fini le châssis, l’apprêt lui-même est remisé. Mais la souplesse retrouvée ne suffit pas, il faut encore que cette toile par trop lisse, soit triturée, réduite, coupée, découpée en de fragiles bandelettes. Alors Claude Lagoutte imbibe ces lignes de toiles de pigment et de médium, les replie sur elles-mêmes en un accordéon dessinant des triangles dont il surcharge la surface apparente, à nouveau, de pigment et de médium pour enfin, au pinceau, les marquer d’une écriture – des rayures de couleur par exemple. Lorsque l’artiste déplie ces bandes, elles laissent apparaître le motif répétitif de triangles, imprégnés en alternance de pigments ou colorés des rayures. Remises bord à bord dans l’ordre où elles ont été coupées, les bandes sont réunies à la machine à coudre.
Le support peut être la toile, aux bandes cousues à l’horizontal en de longs rouleaux verticaux ou comportant plusieurs lès élargissant la surface dans sa largeur ou bien encore le papier, papier de riz, de soie, papier kraft, ou coupures du journal Le Monde, selon de petits formats ou de longs rouleaux étroits. Les bords de ces toiles ou papiers peints sont réguliers ou laissés libres, les extrémités se recroquevillant alors comme un tapis de feuilles mortes.
Lorsqu’il coud ou colle, Claude Lagoutte fabrique un nouveau support, recueil de son regard, mémoire des terres parcourues, de lumières obliques, de chemins poudreux.
Claude Lagoutte écrit sa peinture sur le motif et, dans son atelier, peint son écriture selon deux orientations : d’une part un attachement à la peinture de paysage, dans la tradition du regard de Poussin sur la nature, d’autre part une pratique de plain-pied avec la modernité, dans le sillage des artistes oeuvrant à la fin des années 1960 sur la structure même du tableau, ou de ceux qui, délaissant l’atelier, trouvent dans la marche l’origine même de leur art.