Par Cécile Strouk
«Dans mes périodes de dépression, je visualise l’enterrement consécutif à mon suicide, il y a beaucoup d’amis, de tristesse et de beauté, l’événement est si émouvant que j’ai envie de le vivre, donc de vivre», écrivait-il dans Autoportrait, en 2005.
Sa vie durant, que ce soit dans l’écriture ou la photographie, Edouard Levé n’a cessé de neutraliser les choses afin d’en effacer l’existence propre. En quête perpétuelle de «l’écriture blanche et de la photographie neutre», le ressort de ses œuvres était un besoin obsessionnel de distance anéantissante et morbide, proche de l’absurde.
Tandis que son écriture, froide, ironique et éclatée, aplatit l’existence en mettant tout au même niveau, ses photographies, elles, cherchent à objectiver les Hommes et à décontextualiser les situations.
En 2003, l’exposition «Pornographie, rugby et quotidien», à la galerie Loevenbruck, présentait des photographies de presse, reproduites par Édouard Levé de façon à les rendre toutes identiques. Et de les vider de leur sens.
Simples génériques, simples modèles de scènes tirées du réel, les créations d’Edouard Levé, dépourvues de fioritures, ont révélé une angoisse face à un monde stéréotypé et aliénant. Un monde contre lequel l’artiste a lutté et finalement abdiqué.