Par Anne-Lou Vicente
Alors que s’ouvre au Centre George Pompidou l’exposition «Samuel Beckett», entièrement consacrée à l’œuvre de l’écrivain irlandais disparu en 1989, l’adaptation cinématographique par Marin Karmitz de sa pièce Comédie (1963) est présentée tous les jours à 19h30 au MK2 Beaubourg, au tarif exceptionnel de 1 euro.
Présenté une première fois à la Mostra de Venise en 1966, le film n’a plus été montré jusqu’en juin 2000 lors de l’exposition «Voilà » au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, alors dirigé par Suzanne Pagé. «Chahut monstre pour l’inauguration du festival de Venise» titre le journal L’Aurore le 29 août 1966 en référence à l’accueil que le public de la Mostra réserve au film Comédie, pour le moins avant-gardiste.
C’est peu dire que le film, aujourd’hui encore, surprend par son anticonformisme. On est plus proche en effet du film expérimental ou du film d’artiste que du cinéma à proprement parler, d’où une si vive réaction de la part du public de la Mostra et à l’inverse, par la suite, un accueil aussi chaleureux venant des directeurs de musée, galeristes et autres professionnels de l’art contemporain.
Trois personnages — un homme (H / Michael Lonsdale), sa femme (F1 / Eleonor Hirt) et sa maîtresse (F2 / Delphine Seyrig) — immergés dans le noir et emprisonnés chacun dans une jarre dont ne dépasse que leur tête, débitent à tour de rôle un monologue haché. Les visages, semblables à des masques, prennent l’allure d’ampoules qui alternativement, s’allument et s’éteignent, parlent et font silence. Le texte est répété deux fois durant le film qui ne dure que 18 minutes.
Le dispositif, totalement statique puisque le décor est immuable et que les personnages sont dans l’impossibilité de se mouvoir, est animé par les jeux de lumière, bien que minimalistes, et l’alternance de plans fixes, plus ou moins rapprochés.
L’immobilisme et l’obscurité qui imprègnent le film, et qui pourraient se lire comme la métaphore du caractère inextricable de la relation qui unit et déchire ces trois personnages, sont rompus par le rythme imposé par la langue, les mots, ou bien par la lumière, selon que l’on considère que c’est le projecteur qui obéit à la parole ou la parole qui obéit au projecteur…
Avec Comédie, Samuel Beckett et Marin Karmitz vont au delà du simple théâtre filmé. Ils donnent une nouvelle dimension, des plus contemporaines, au texte dramatique et à son interprétation.
MK2 Beaubourg
50, rue Rambuteau. 75003 Paris
M° Rambuteau
> Exposition «Samuel Beckett» du 14 mars au 25 juin 2007, au Centre George Pompidou.