L’exposition « 1,2,3, soleil ! » réunit à la galerie Maubert, à Paris, les photographies d’Eric Guglielmi et les œuvres au croisement de la photographie, de la sculpture et de la performance du plasticien Jonas Delhaye.
Un processus créatif fait d’attente et de contemplation
Le titre choisi pour l’exposition renvoie de multiples façons à la démarche artistique qui relie le travail d’Eric Guglielmi et celui de Jonas Delhaye. Chez les deux artistes, le processus créatif est fait d’attente, de progression, de contemplation. La démarche artistique de l’un comme de l’autre est celle d’un chasseur à l’affût.
Les photographies de paysages d’Eric Guglielmi résultent d’une lente préparation au cours de laquelle la marche, l’observation et la patience jouent un rôle déterminant. Le matériel utilisé, une lourde chambre photographique, entraîne à lui seul un protocole qui s’inscrit dans la durée. L’installation de cet outil volumineux et délicat, est suivie d’une tout aussi minutieuse préparation du regard et de l’environnement. Pour capter ces espaces de nature souvent sauvage, retirée, vide de présence humaine et faussement paisible, l’artiste cherche à se fondre en eux et à ne faire qu’un avec la chambre photographique. La prise de vue nécessite parfois une journée entière, dans l’attente de la lumière idéale et de l’intégration du corps dans le paysage.
Chambre photographique et sténopé
A travers un mode d’action fondé sur la mise en retrait du photographe, les Å“uvres d’Eric Guglielmi exposent des visions particulières, comme les facettes du monde habituellement laissées dans l’ombre. Elles résultent d’un regard en biais, insoumis aux injonctions de l’intérêt médiatique, dont elle préfère observer les angles morts. Les images glanées aux quatre coins du globe (Bangladesh, Ukraine, Mali…) témoignent d’une conception personnelle du reportage qui ne repose plus sur la fixation d’un moment clef mais dans une attentive contemplation.
Les œuvres de Jonas Delhaye sont aussi le fruit d’un lent processus. Dans celui-ci, la fabrication de l’appareil photographique est aussi déterminante que la prise de vue. Les photographies sont réalisées à l’aide d’appareils sténopés créés à partir de matériaux, objets et débris ramassés sur le lieu où aura lieu la prise de vue. Ainsi le cliché Sainte-Barbe, Champ de tir de l’aviation militaire a-t-il été réalisé avec un sténopé fait de morceaux d’os et d’obus trouvés sur le champ de tir. La structure interne de l’appareil, constituée de la matière produite par la déflagration, est ensuite projetée sur le film diapositive, comme une radiographie. Par ce procédé, l’appareil devient plus qu’un outil de captation du réel : il participe à la matérialisation de l’espace.