////
Face aux lenteurs administratives françaises, l’homme d’affaires François Pinault abandonne son ambitieux projet de Fondation culturelle sur le site des anciennes usines Renault au profit du prestigieux Palais Grassi à Venise où il présentera sa collection.
François Pinault, 69 ans, un milliardaire connu pour sa capacité à conclure une affaire en trois minutes sans intermédiaire, a baissé les bras devant « les incertitudes, les longueurs, les pesanteurs » dans lequel s’est enlisé son projet de créer un musée sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt, aux portes de Paris. Un projet ambitieux de 150 millions d’euros, lancé en 2000 avec la bénédiction de la municipalité UMP de Boulogne.
Le sénateur-maire UMP de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) Jean-Pierre Fourcade a dénoncé dans une interview au Parisien-Aujourd’hui en France à paraître mardi les «fausses allégations» avancées selon lui par l’homme d’affaires François Pinault pour justifier l’abandon de son projet de fondation sur l’île Seguin. Ce mécéne atypique, qui vient de passer à son fils les rênes du groupe qu’il a bâti – Pinault-Printemps-Redoute (PPR), Gucci, la maison d’enchères internationale Christie’s et la FNAC, a déjà dépensé 20 millions d’euros pour ce projet unique en France.
L¹architecte japonais Tadao Ando, une star internationale, travaillait depuis plusieurs années à la conception du bâtiment devant abriter une collection constituée au cours de trente ans, une des plus importantes pour l’art contemporain en Europe. Le musée devait s’étendre sur environ 33.000 m2, dont près de 16.000 m2 de surface d’exposition, et les partenaires publics «s’étaient engagés à bâtir jusqu’à 150.000 m2 de programme sur l’île Seguin en complément du musée», selon M. Pinault.
Cinq ans après le démarrage de l’opération, l’obtention d’un permis de construire, le recrutement aux Etats-Unis d’un directeur du musée, seulement «quelques milliers de mètres carrés» étaient programmés alors que l’environnement urbain du musée était pour M. Pinault une condition sine qua non de sa construction.
«Je dois constater que je n’ai plus la patience de persévérer dans le projet de doter la France du musée conçu par Tadao Ando», a annoncé lundi M. Pinault dans une tribune publiée en première page du Monde daté de mardi.
M. Pinault a d’autant plus perdu patience que Venise l’a accueilli à bras ouverts et lui a permis d’acheter pour 29 millions d’euros le Palais Grassi, l’ancienne vitrine culturelle du groupe Fiat sur le Grand Canal. La surface d’exposition actuelle (2.500 M2) pourra être doublée par la construction d’une annexe sur le domaine foncier du palais dont l’architecte n’est pas encore connu. Malgré cela, le Palais Grassi n’a pas la dimension suffisante pour accueillir toute la collection de M. Pinault qui couvre tous les champs des arts plastiques, de la peinture à la sculpture, en passant par la photographie et la vidéo de l’époque moderne et contemporaine.
Son projet est «d’autres villes en Europe» et même en France «pour constituer un réseau international dans lequel circuleront les oeuvres», a-t-il prévu. L’ancien ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon, nommé récemment à la tête de chaîne publique TV5 et qui a travaillé pour l’homme d’affaires en tant que conseiller, a été chargé, selon Le Monde, de visiter divers lieux en Europe, notamment Berlin et Lille. La rédactrice en chef du magazine Artpress, Catherine Millet, interrogée par l’AFP il y a deux semaines à propos du risque d’abandon du projet de musée parisien, avait estimé qu’«une fondation créée par un citoyen, ce pouvait être un message pour d’autres. Si cela échoue ce sera un terrible message».
AFP