Du daguerréotype à l’autochrome, en passant par les photographies d’Hippolyte Bayard et Gustave Le Gray et Eugène Cuvelier, des clichés des années 1900 à 1940 provenant d’une collection new-yorkaise aux œuvres de Robert Doisneau, la vente des 15 et 16 mai prochains à Artcurial, à l’hôtel Dassau, retrace plus d’un siècle d’histoire de la photographie et rend un bel hommage au 19e siècle. Cet ensemble est estimé autour d’1 million d’euros.
Un important daguerréotype d’Auguste Bisson provenant d’une collection particulière, Cheval surprise (est. 20-30 000 €), ouvrira la vente aux côtés d’une vingtaine de daguerréotypes. Exposée au Musée d’Orsay et au Metropolitan Museum de New York en 2003, cette pièce s’impose parmi les trésors de l’Histoire de la photographie. Très probablement réalisé pour le peintre animalier Rosa Bonheur lors d’un concours agricole vers 1842, Cheval surprise signe le talent et la dextérité d’Auguste Bisson à utiliser la technique de Daguerre, premier procédé photographique tout juste mis au point en 1937.
Domaine de prédilection du daguerréotypiste, le portrait sera à l’honneur avec une très belle scène de genre de Louis-Noël Richou datée d’avant 1850, La lettre de l’absent (est. 25-30 000 €). Citons aussi Groupe d’artistes à la Villa Médicis, circa 1945-1946 (est. 10-12 000 €), daguerréotype de Philibert Perraud constituant l’un des très rares portraits de Flachéron et Normand, une pièce d’Ernest-Léopold Mayer et Pierre-Louis Pierson, Deux fillettes sur un divan, circa 1856-1857 (est. 8 000-10 000 €) et un très beau Portrait de famille daté de 1843 (est. 10-12 000 €).
Couronné par de très hautes enchères lors de la vacation new yorkaise consacrée au photographe le 13 avril dernier, Eugène Cuvelier sera à l’honneur avec deux tirages uniques sur papier salé datés de 1863 : L’homme appuyé contre une roche (est. 25-30 000 €) et Carrefour de l’Epine, route belle croix (est. 15-20 000 €). On ne connaît aucune autre épreuve de ces images. Gustave Le Gray, incarnera, quant à lui, l’âge d’or de la photographie avec deux très beaux tirages sur papier albuminé datés de 1856, Brick au clair de lune (est. 15-20 000 €) et Portrait d’Eugène Piot, (est. 1 000-1 500 €). Elève de Le Gray au début des années 1840, Eugène Piot sera représenté par un ensemble d’une dizaine de tirages sur papier salé (est. 13-19 000 €) dédiés à l’Italie monumentale et datés de 1849-1850, encore jamais sorti sur le marché.
Inventeur du premier procédé photographique sur papier en 1839, précurseur d’une vision nouvelle de la photographie, Hippolyte Bayard sera présent avec un tirage sur papier salé d’une importance muséale, Les moulins de Montmartre, 1842 (est. 6 000-8 000 €), incunable de la photographie d’une importance muséale. Le talent d’Eugène Atget s’illustrera avec un tirage sur papier albuminé, Juvisy, belles fontaines, 1921 (est. 9 000-10 000 €). Mentionnons également un tirage sur papier salé de Charles Nègre acquis par l’actuel propriétaire auprès de la famille de l’artiste, Pifferari et sa femme au tonneau, circa 1854 (est. 8 000-10 000 €). Plusieurs négatifs sur papier seront également présentés: citons les pièces de Louis-Rémy Robert, Laboratoire, circa 1850-1851 (est. 10-12 000 €) et de Jean-François-Frédéric Flachéron, Le Tibre à Rome, 1853 (est. 9 000-11 000 €).
Depuis une entrée éblouissante sur le marché en 2005 lors de la vente des archives de L’Illustration chez Artcurial qui fixait à 31 800 € le record du monde pour un Portrait de Claude Monet à Giverny par Etienne Clémentel (est. 5 000-7 000 €), et amorçait la redécouverte de l’autochrome et de ses incunables, ces véritables tableaux photographiques suscitent un intérêt grandissant. Ainsi la dispersion de l’ensemble d’autochromes des Frères Lumières en 2006 chez Artcurial, ou le positionnement des marchands Hans P. Krauss à New-York et Daniel Blow à Munich. Plus d’une centaine d’autochromes fascineront par leurs couleurs et leur picturalité, mais encore par la modernité et l’originalité de leur sujet. Citons une vingtaine d’autochromes dédiée aux comédiennes (est. 8 000-10 000 €), deux pièces de Mante et Goldschmidt chacune estimée 2 000-3 000 €, des autochromes réalisés dans l’entourage des Frères Lumières comme Poupée (est. 3 000-4 000 €) et La petite fille en rouge (est. 2 000-3 000 €), ou les natures mortes d’un amateur lyonnais dont Œufs au plat (est. 2 000-3 000 €).
Composée pendant près de trente ans, une collection new yorkaise présentera une centaine de photographies datées de 1900 à 1940 (est. 200 000 €). On y remarquera notamment les noms de Peter Henry Emerson, Edward Curtis, de Leonard Misonne…Citons deux tirages au platine d’Emerson estimé chacun 4 000-6 000 €, et un portfolio d’Edward Curtis de 36 photogravures, The North american indian, volume XIII, 1923 (est. 10-15 000 €).
A son célèbre Baiser de l’Hôtel de Ville, photo posée, Robert Doisneau préférait la photographie volée de Mademoiselle Anita (15-20 000 €). Il l’évoquera souvent comme l’un de ses plus beaux cliché. Cette icône passe aujourd’hui pour l’une des premières fois sur le marché. Pour la plupart datées de 1947 à 1951, dix photographies de Doisneau prendront place aux côtés de Mademoiselle Anita. Citons d’abord La maison des locataires (est. 20-25 000 €), remarquable photomontage (1,20×1,80m) daté de 1961-1962. Sans doute unique dans cette taille, cette épreuve originale fut exposée à Paris, au Musée des Arts Décoratifs en 1965. Mentionnons aussi plusieurs vintages sur le thème des bals populaires : Le bal nègre, rue Blomet, circa 1947, Le bal des Champs-Elysées, circa 1947, ou encore Le bal de Grenelle, circa 1948, estimé chacun 1 500-2 000 €. Témoin de l’amitié du poète et du photographe, un portrait de Blaise Cendrars à Saint Segond, tirage postérieur daté de 1947 (est. 2 000-3 000 €), sera également présenté.