Dans les créations à  quatre mains, sans partition mais au fil des pinceaux, du duo WATP (We Are The Painters, formé par Nicolas Beaumelle et Aurélien Porte), il est impossible de distinguer la touche de chacun des deux artistes. Ils se retrouvent à égalité, complices devant la toile. Par ce processus, WATP pose la question de la paternité de l’œuvre: qui en est l’auteur? La signature de l’artiste se fond en effet dans la création à l’unisson.
La vidéo Paint for Hochwechsel, présentée à  l’étage de la galerie, permet de mieux appréhender le procédé. Elle met en scène la figure du peintre dans l’acte de création et présente le work in progress d’un paysage romantique, exalté et tourmenté. Chateaubriand plane, et nous se transporte doucement vers les montagnes autrichiennes.
Il ne s’agit évidemment pas d’une transcription de paysages réels, mais d’une imbrication de souvenirs de voyages, de rêves, de fantasmes et de visions intérieures.
Une bouche ouverte ponctue et constelle les toiles. On est alors conduit sur un chemin bordé de paysages poétiques, qui traverse l’Autriche grotesque et truculente, parsemée de scènes contemplatives. Les routes sinueuses nous emmènent vers des destinations inconnues, sur les pas de cette peinture qui ne connaîtra sa forme finale qu’au gré des traces collaboratives.
L’œuvre de WATP dessine une cartographie intérieure et distille une série d’indices pour nous faire accéder à la part d’imaginaire de ces paysages de chimères.
Les bouches ouvertes sont celles de femmes peintes, truculentes et presque vulgaires. Qui sont-elles? Aguicheuses et coquettes, ce sont des femmes de rien, de la rue, de mauvaises vies. Femmes fatales et mystiques, diseuses de bonne aventure, ce sont des fantasmagories, des rêves dessinés de façon parfois naïve et grotesque. De leur bouche ouverte, fardée de rouge carmin, s’échappe une voix — celle de la peinture ou des peintres?
Alors que la mort de la peinture rôde comme une vieille amie sur la création contemporaine, ce jeune duo de la scène artistique française réinvente et dépoussière ce medium enterré trop vite. Suivez la nouvelle route que trace WATP par delà les vallons romantiques et les terrasses ombragées et lascives du sud, elle fera naître des rêves étranges aux couleurs violentes. La peinture est morte, vive la peinture!