Plasticien et metteur en scène, Théo Mercier cultive une création protéiforme. Conjuguant ainsi arts visuels, installation et spectacle vivant. Avec La Fille du collectionner (2017), Théo Mercier livre une pièce chorégraphique pour cinq interprètes. À savoir François Chaignaud, Jonathan Drillet, Angela Laurier, Marlène Saldana et Harris Gkekas. François Chaignaud : ce danseur et chorégraphe également salué au Festival d’Avignon 2018 pour son Romances inciertos, un autre Orlando. La collaboration entre Théo Mercier et François Chaignaud n’est d’ailleurs pas nouvelle, puisque les deux avaient déjà travaillé ensemble sur Radio Vinci Park (2016). Idem pour Florent Jacob, avec qui La Fille du collectionneur a été co-conçue. Et à la lisière entre danse, théâtre, installation et performance, la pièce déploie sa singularité. Une narration qui s’enroule autour de la figure de l’absent. Celle du père. Non sans quelques échos avec l’approche cinématographique de l’Expressionnisme allemand, les objets s’animent comme une galerie de souvenirs.
La Fille du collectionneur de Théo Mercier : la valses des absents (père et objets d’art)
Décor très structuré, La Fille du collectionner mobilise une ossature métallique vaste et haute, ainsi que des drapés. Pour un jeu de voilage / dévoilement. Hantise, la figure du père y est omniprésente par la négative. Après l’explosion du Vésuve en 79, de certains habitants de Pompéi, il ne sera resté que des statues pétrifiées. Tandis que les explosions de Hiroshima et Nagasaki, en 1945, auront fixé les ombres. Avec La Fille du collectionneur, les objets d’art et le père se présentent d’abord devant les publics sur le mode de l’absence. Ils sont mimés, inscrits dans le corps des interprètes : ils rayonnent par l’empreinte qu’ils ont imposée. Double négatif, ce qui existe par l’absence est autant la figure du père que celle de la fille. Qui existe dans les interstices laissés vacants par la personnalité du père. Entre ses goûts esthétiques, entre ses choix culturels et partis pris.
Une enquête chorégraphique, à la lisière de la danse, de l’installation et du théâtre
Enquête menée sur scène pour les spectateurs, la visite de l’atelier vide se peuple de fantômes animés. Des souvenirs vivaces d’œuvres disparues. Dans la pièce de Théo Mercier, La Fille du collectionneur, les souvenirs s’animent ainsi au fil d’un étrange ballet d’ombres. Danse macabre, l’imaginaire se projette sur scène. Parti pris surréaliste, les structures du décor semblent tout droit sorties du XXe siècle, selon Jean Tinguely. Un imaginaire peuplé et architecturé par la mémoire d’un autre. Celle du père. Entre ces barreaux, esthétiques certes, mais néanmoins barreaux, les danseurs gravitent. Et ce, sur une musique abstraite, composée par Laurent Durupt et les musiciens du Umlaut Big Band. Ovni du spectacle vivant, La Fille du collectionneur flotte ainsi entre les genres et les époques. Une pièce chorégraphique hantée, comme le moment surréaliste où l’esprit, délié, hésite entre le sommeil et le réveil. À retrouver pendant Actoral 2018.