Guillaume Abdi, Nelson Aires, Elisabeth Amblard, Nobuyoshi Araki, Pauline Bastard, Lionel Bayol-Themines, Jean-Christophe Béchet, Romain Bernardie James, Vladimir Besson, Emmanuelle Bousquet, Michel Castaignet, Cathy Catrastler, Karim Charredib, Guillaume Constantin, John Cornu, Vivian Daval, Rodolphe Delaunay, Rebecca Digne, Marion Dubier-Clark, Kenza Essaâdani, Sirine Fattouh, Pierpaolo Ferrari, François Fontaine, Scarlett Girault, Jason Glasser, Grant Hamilton, Scott Hammond, Markus Hansen, Cyril Hatt, Akiko Hoshina, Hormoz, Karen Knorr, Keja-Ho Kramer, Natacha Lesueur, Alessandro Liuzzi, Frank Loriou, Olivier Lounissi, Lucie & Simon, Nataliya Lyakh, Jeanne Madic, Colombe Marcasiano, Maripol, Christophe McPherson, Dominique Merigard, Jane Motin, Asami Nishimura, Clotilde Noblet, David Ortsman & Béatrice Algazi, Jean-Michel Othoniel, Antoine Poupel, Arnaud Pyvka, Gérard Rancinan, Lisa Roze, Isabelle Rozenbaum, Antoine Rozes, Hervé Saint-Hélier, Lise Sarfati, Fabrice Seixas, Sonia Sieff, Vee Speers, Tom Spianti, Joanna Tarlet-Gauteur, Nicole Tran Ba Vang, Thomas Tronel-Gauthier, Sophie Urbani & Valérie Archeno, Donatien Veismann, Jean-Luc Verna, Rita Vogt et Zir
Pol/A
Commissariat: Label hypothèse, structure collective de production et de diffusion d’art contemporain
Apprécié à la fois par les photographes et le grand public pour son format, son instantanéité, sa singularité et son rendu vintage, le polaroïd est devenu un véritable objet de culte. Grâce à toutes ces particularités, des générations entières en ont exploré toutes les possibilités allant même jusqu’à le détourner de ses fonctions initiales et ce faisant à engendrer une nouvelle pratique ludique du polaroïd dont témoigne par exemple aujourd’hui l’engouement pour les « toy-cam ».
Face à la déception occasionnée par l’arrêt en 2008 de la production des films et des appareils polaroïds, nous proposons de donner une nouvelle impulsion à ce médium, un peu à la manière de “The impossible project” qui s’est donné un an pour relancer la production.
Au travers du regard d’une soixantaine d’artistes, confirmés ou jeunes talents, apparaît ainsi la liberté d’expression sous-jacente à l’utilisation de ce médium. Aucun thème, ni aucun format d’appareil imposé mais un seul medium présenté.
À la rencontre de Paula
On ne sait jamais qui c’est. Elle s’appelle Paula. On l’a confond souvent avec d’autres. D’elle, on connaît surtout des images. On nous répond ainsi : « Moi, c’est Isa » et encore, « Moi, c’est Léa » ou encore, « Non, je m’appelle Emma » ou alors, « Béa, enchantée ».
On devrait pourtant la reconnaître par ses images. Des images étranges et belles mais toujours improbables, parfois tristes aussi et nostalgiques. Mais également décalées. Sans doute ratées.
On aime s’en approcher. On finit par s’en éloigner. On est toujours perdu. On se dit que Paula l’est aussi. On s’exclame alors qu’on la croise enfin : « Qu’est-ce que tu fous ici? ». Elle répond : « Je ne sais pas, on m’a invitée ».
Elle regarde le mur devant elle, perplexe, et dit : « J’aime l’instantanéité. De plus en plus. Je me souviens rarement des choses. Je me souviens plutôt de l’instant présent que du souvenir. Plutôt du moment que du lieu. J’attends de voir ».
On demande : « Qu’est-ce que tu attends de voir ? ». Elle répond : « Ce qui va sortir. Ça m’excite et en même temps, ça me fait peur. J’aime bien ce moment ». On s’interroge : « Tu attends souvent ? ». Elle confirme : « Toujours. Mais avant, je ne savais pas que j’attendais parce que ça faisait partie de l’acte. Maintenant, j’y pense sans cesse. Je fais ça juste pour ce moment-là, ce moment d’attente avant que ça sorte et que je découvre ce que c’est ».
Là, on pense qu’elle se moque de nous et on s’impatiente : « Et qu’est-ce que c’est ? ». Elle nous regarde étonnée : « Justement, ça ! Ce qui sort. C’est notre désir en fait. Le reste, on s’en balance. On attend que ça sorte, que notre désir arrive, le reste on ne le voit pas.
Si c’est raté, on s’en fout vraiment parce qu’on ne cherche à voir que notre désir et l’image n’a plus d’importance même si on la conserve comme un trésor ». On est indécis : « Tu crois vraiment ? ». Elle assure : « Oui, d’ailleurs, on le sent en le faisant.
Quand je tiens l’appareil entre mes mains, j’oublie où je suis et pourquoi. Je suis là, c’est tout. Ce peut être intéressant ou pas, beau ou non, original ou banal, je n’y pense même pas. Je ne pense qu’au moment où je vais appuyer et j’ai des palpitations ». On demande : « Des palpitations ? ». Elle confirme : « Oui, toujours.
À cause de la peur qui m’excite et de cette excitation qui me fait peur. C’est parce que j’ai peur et suis excitée que je peux appuyer. J’ai peur à cause du gâchis, de la rareté de ce que c’est, j’ai peur de tout gâcher, d’appuyer pour rien et de ne plus en avoir pour continuer.
Je suis excitée pour la même raison, parce qu’en appuyant, j’ai l’impression d’avoir un pouvoir incroyable, de pouvoir faire quelque chose que personne ne peut imaginer, quelque chose d’unique et de merveilleux ». On l’interroge encore : « Tu déclenches au moment de cette peur ? ». Elle répond : « Oui, c’est ce moment là qui compte, qui m’excite complètement ».
On s’interroge : « Toujours ? ». Elle acquiesce : « Oui, c’est ce moment particulier qui permet de déclencher. En tremblant un peu. Comme par aveuglement, j’appuie d’un coup sec ». On s’étonne : « Par aveuglement ? Tu veux dire que le moment t’aveugle comme un halo de lumière ? ». Alors, on regarde à notre tour le mur devant nous et on comprend pourquoi ces images retiennent notre attention : on croit les fixer mais ce sont elles, à l’instar de phares dans la nuit noire, qui nous fixent définitivement. Caroline Hoctan