Elisa Fedeli. La Biennale Evento de Bordeaux existe depuis 2009 et elle propose par le biais d’interventions artistiques un nouveau regard sur la ville. Qu’est-ce qui vous a plu dans le concept de cette Biennale?
Michelangelo Pistoletto. C’est à la fois un concept innovant et une manière de penser l’art qui rejoint mon propre travail.
Vous faîtes ici référence au travail que vous menez depuis 1998 dans votre Factory, «Cittadellarte», implantée à Biella, près de Turin?
Michelangelo Pistoletto. Oui. J’ai pensé que la ville idéale qu’est Cittadellarte pouvait se transposer dans une ville réelle, où les rapports entre citoyens deviendraient le phénomène actif et procréatif d’un changement. Bordeaux est une ville qui a une tradition très forte mais aussi le désir d’un changement, d’une progression. C’est en ce sens que le maire Mr Alain Juppé m’a invité: amener des idées, des visions et inviter des artistes capables de créer des relations avec les citoyens.
Votre manifeste Le Troisième paradis vient d’être traduit en français chez Actes Sud. Il est basé sur la définition de trois types de paradis. Le premier est le «paradis naturel», dans lequel l’homme est totalement intégré. Le second est le «paradis artificiel», que l’homme a créé en sortant de la nature: «Cela représente une grande conquête mais en même temps cela génère des conflits entre artifices et nature». Le troisième paradis est la recherche d’une convergence entre nature et artifices, pour passer à un nouveau stade de civilisation. L’art, quel rôle joue-t-il dans ce troisième paradis?
Michelangelo Pistoletto. L’art devient un moteur, une instigation à penser et à agir. L’artiste est capable d’inventer, d’imaginer mais aussi de réaliser des oeuvres. Il ne s’arrête jamais à la pensée et arrive toujours à la concrétisation de ses idées. L’artiste imagine un monde qui se proportionne autrement qu’ailleurs. A la Renaissance, on a mis l’homme au centre du monde, en considérant ses proportions comme reliées à l’univers. Aujourd’hui, pour moi, remettre la personne au centre de toutes les problématiques est le devoir même de l’art.
Si vous étiez président de la République, que feriez-vous pour la culture, et l’art en particulier?
Michelangelo Pistoletto. Je pense que je modifierais le premier article de la constitution italienne, qui est basé sur l’idée de travail. J’y ajouterais l’idée de culture, car c’est le terrain sur lequel on peut faire germer et croître tout le reste. C’est la créativité qui doit être responsable de toutes choses. Donc créativité et travail devraient aller ensemble.
Et pour les artistes, que feriez-vous?
Michelangelo Pistoletto. Je ferais en sorte de les écouter et de les faire travailler dans un sens prospectif. Non seulement ceux qui agissent dans une activité personnalisée et autoréférente, mais aussi ceux qui ont la capacité de produire des phénomènes qui touchent à tous les secteurs de la vie sociale.
Quels sont vos projets à venir?
Michelangelo Pistoletto. A présent, je ne suis plus tout seul: il y a de nombreux artistes et personnes qui travaillent avec moi. J’aimerais continuer à ramener des expériences à Cittadellarte et aller les faire germer ailleurs.