La première exposition personnelle de José Manuel Egea, «Lycanthropos», est présentée à la galerie Christian Berst-Art brut, à Paris. Une quarantaine de dessins sur papier et plusieurs sculptures expriment l’intérêt de l’artiste madrilène pour la figure du loup-garou.
Le loup-garou comme figure centrale
Des portraits photographiques tirés de journaux, magazines ou livres d’art, souvent laissés dans leur contexte d’origine, sont griffonnés au stylo à bille. Les traits frénétiques recouvrent entièrement la personne photographiée qui laisse place à son double monstrueux. Ainsi s’exprime la fascination de José Manuel Egea pour les lycanthropes ou loups-garous. Persuadé d’en être un lui-même, le jeune créateur semble déceler cette part sombre chez chacun et la révèle à travers ses œuvres, dessins, interventions sur portraits photographiques, sculptures et performances. Toutes ses pièces réalisées depuis 2010, au sein d’un centre de création pour personnes intellectuellement déficientes, ont pour thème la métamorphose de l’homme en bête ou en créature toute-puissante et invulnérable.
Le stylo fait apparaître le monstre caché
Les ombres superposées aux visages, tracées en saccades d’encre noire, privilégient les photographies sur papier glacé, images de mode, de stars et de personnalités glamour qui se présentent comme des figures séduisantes. Leur bestialité que l’action de José Manuel Egea fait apparaître n’en ressort que plus vivement. Silhouettes inquiétantes, pilosité débordante, yeux exorbités et autres caractéristiques du loup se dessinent sur les corps parfaits. Le stylo invoque l’animal et l’oblige à s’extraire du sujet photographié.
À travers ces dessins superposés aux photographies se joue une double gageure. Ils forment la représentation de cet «autre» terrifiant qui habite chacun d’entre nous, mais ils sont aussi le moyen de transcender la peur qu’inspire cette entité malfaisante. En faisant apparaître par le stylo le monstre caché derrière les traits humains, l’artiste s’approprie sa puissance mystérieuse, il renverse le pouvoir qu’a la bête sur l’homme en la démasquant lui-même.
Une célébration de l’altérité
La mise à jour du loup sommeillant en l’homme va parfois jusqu’au basculement : le passage entre les deux mondes est alors définitif. La déchirure précise de la page donne corps à la fracture nette qui le sépare. Les forces que libèrent le stylo et le malmenage du support sont aussi menaçantes que salvatrices. En effet, si elles mettent à jour le potentiel monstrueux de notre humanité, elles célèbrent aussi l’altérité et la complexité de chacun.