Jacques Flèchemuller, Gregory Forstner, Philippe Jusforgues, Gérald Panighi
Des statistiques terrifiantes
L’exposition «Des statistiques terrifiantes» trouve son origine dans la rencontre circulaire de quatre artistes qui se sont reconnus par-delà l’Atlantique: Gregory Forstner et Jacques Flèchemuller qui partagent leur vie entre la France et l’Amérique, Gérald Panighi et Philippe Jusforgues, attachés au sol azuréen. Travaillés par les univers singuliers que leur peinture ou leur dessin façonnent, ils se retrouvent autour de la figuration décalée et poétique de corps, d’instants, de climats: autant d’énigmes drolatiques posées à la réalité de notre monde.
C’est en 2005, tombant sur une valise de retirages de photos de famille, que Philippe Jusforgues trouve l’occasion d’expérimenter le collage. «C’était comme un jeu… Je changeais un visage et toute l’image en était bouleversée… Le réalisme de la photographie et la légèreté du dessin étaient réunis… Mes personnages prenaient chair et ma palette d’émotions devenait plus large…» explique-t-il.
L’approche minimaliste de Philippe Jusforgues implique souvent une photographie amateur sur laquelle est ajouté un document imprimé, un fragment dessiné, ou de l’encre directement appliquée révélant un lien inattendu qui leur donne une seconde vie. En d’autres termes, une forme de recyclage poétique.
Gérald Panighi pratique le dessin avec un certain sens de l’économie, aménageant dans le blanc du papier de vastes zones de respiration. Au centre de grandes feuilles au format raisin, il inscrit de petites figures dessinées à la mine de plomb, souvent rehaussées au crayon de couleur ou à l’encre, parfois à l’huile. Il n’est pas rare que ce dessin discret soit à son tour verni, ce qui a pour effet d’amoindrir son aspect fait main au profit d’un rendu évoquant une reproduction mécanique.
La figure dessinée par Gérald Panighi est le plus souvent fragmentaire et de taille modeste, ce qui la rend difficile à appréhender. «Texte et images convoquent ici des idées furtives, des flashs de l’esprit qui ne font que passer et qui laissent place au vide immense. Une réserve de phrases poétiques et de dessins à venir». (Catherine Macchi de Vilhena)
Gregory Forstner livre une peinture à la fois désinvolte et élégante, qui n’est pas sans évoquer certaines postures précieuses du dandysme du début du siècle attachées à un art à la fois énigmatique et cultivé. Le travail sur les titres contribue à la délicatesse du trouble, puisque, contrariant les premières références immédiates de l’œuvre, ils obligent souvent le spectateur à négocier avec l’esprit facétieux du peintre qui mime une explication toujours plus fuyante. Mais c’est surtout le travail pictural lui-même, le traitement antinaturaliste de la matière barbouillée comme un maquillage artificiel, qui évoque sans détour une peinture baudelairienne, surcadrée comme un Degas, brossée comme un Manet, inachevée comme un Lautrec.
De son lointain et éphémère engagement comme clown dans un cirque itinérant, Jacques Flèchemuller a sauvegardé dans sa peinture impertinente et décalée, l’art de la pirouette et du pied de nez. Autrement dit du sourire et de la désinvolture; une manière de sauver les apparences et mieux pourfendre la carapace illusoire d’un certain monde.
Révélé en 1981 à Paris par la galerie Jeanne Bucher, aujourd’hui partagé entre Brooklyn et l’Ardèche, Jacques Flèchemuller s’inspire des années 1950 pour dire avec tendresse la vacuité qu’il ressent au sein d’un monde trop léché, trop convenu.
Vernissage
Samedi 13 juin 2015 Ã 18h