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Catherine Beaugrand

L’image et tous ses champs d’investigation et d’application. Vidéo, théâtre, danse, architecture, puis Internet et CD-rom, sont les territoires où Catherine Beaugrand expérimente et applique ses recherches sur la perception des espaces et leur représentation.

— Éditeur : Le Quartier, Quimper
— Année : 2002
— Format : 29,50 x 21 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 133
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-908939-29-0
— Prix : 25 €

Parcours 1977-2002
par Dominique Abensour

Depuis près de vingt ans, Catherine Beaugrand mène l’enquête sur les processus que nous mettons en œuvre pour penser le monde où nous vivons, y compris dans ses mutations les plus pointues. Une formation scientifique et des études en ethnopsychiatrie nourrissent les débuts d’une recherche sur la manière dont la pensée prend forme et sens dans le champ de la représentation. L’image, lieu majeur de la représentation, s’inscrit d’emblée au cœur de sa démarche.

Ses premiers travaux, qu’elle décrit comme « « u cinéma sans film », recourent à l’image graphique et au dessin. lis testent les capacités de l’image à figurer, à signifier, à convoquer des contextes de référence, à induire des structures narratives. En exploitant les possibilités morphologiques et syntaxiques de ce langage, Catherine Beaugrand élabore une sorte de grammaire de l’image dont le propos s’étend bientôt à l’objet, à l’espace de sa présentation et gagne d’autres langages. En témoigne la suite des Salons de Musique (pièces sonores sans son 1986) où elle s’attache à éprouver d’autres modalités de la construction du sens.

Au cours des années quatre-vingt, Catherine Beaugrand s’intéresse aux formes du savoir construites par les sciences humaines. Ses recherches s’engagent aussi sur le terrain de la psychanalyse dont les procédures mettent à jour des phénomènes qui se constituent en objets de savoir. Ses travaux sur les systèmes de représentation la conduisent à investir l’espace théâtral et cinématographique.

Tantôt Roi Tantôt Reine (1987-1989) est le premier projet de longue haleine où elle utilise le dispositif de la scène et la structure du récit. Elle conçoit plusieurs espaces scéniques où s’agencent peintures, images, objets, qui entrent en résonance avec une vidéo. Ce film met en scène un texte composé de récits interprétés par des actrices. En confrontant trois espaces culturels (en l’occurrence: grec, médiéval, chinois) et trois dimensions (réelle, fictive et virtuelle), la pièce travaille de manière explicite la question des points de vue à partir desquels se construit notre vision du monde, question majeure que Catherine Beaugrand développera amplement dans des pièces ultérieures.

Avec Tantôt Roi Tantôt Reine, Catherine Beaugrand inaugure un dispositif de travail qui perdure. Ses travaux se développent dans le cadre de projets, dont certains sont parfois menés sur plusieurs années. L’élaboration des pièces procède d’une recherche bibliographique et iconographique, qui tient de l’enquête et de l’étude, et dont les aspects théoriques sont travaillés à travers des textes, des conférences, des séminaires et aujourd’hui le CD-Rom et l’Internet.

Chaque projet implique une production qui fait appel à de nombreux partenaires privés et publics, d’autant qu’au cours des années quatre-vingt-dix certaines de ses œuvres adoptent la forme du spectacle. Le premier du genre, Ava Pandora (1990) associe à une projection vidéo, les interventions d’une danseuse, d’un maître de Kung-Fu, d’un enfant et les voix off de deux acteurs. D’autres suivront comme Pacifique comme un homme courageux (1995) et Luna Park (1997) qui existent aussi dans des versions expositions, voire dans une version CD-Rom pour Luna Park. Parallèlement à ces dispositifs scénographiques, un grand nombre de pièces relèvent essentiellement du film (Les photographes n’ont jamais été si occupés, 1994; L’Amérique est une erreur, 1995; Félix, 1998). Cette décennie est marquée par un séjour de huit mois au Japon en 1993, qui lui donne l’occasion d’approfondir une recherche, fondamentale pour la suite du travail, dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme. Les liens entretenus avec le Japon lui permettent d’initier des pièces importantes comme Luna Park ou Félix et des projets d’envergure comme Le masque de la mort rouge (1994) ou le Projet Holbein (1998-2000).

Le Projet Holbein, auquel le Quartier s’est associé, a donné lieu à deux versions l’une s’est développée dans l’espace du film, l’autre dans celui de l’exposition. Dans sa version exposition, le Projet Holbein consiste en une architecture de verre labyrinthique construite à une échelle de parc d’attractions [cette pièce, aujourd’hui acquise par le Frac Bretagne, a été coproduite par le Quartier, Canon ArtLab à Tokyo avec le concours de l’AFAA et de l’Ambassade de France à Tokyo. Le Projet Holbein a également donné lieu à un colloque franco-japonais sur « Les utopies et leurs représentations » qui a eu lieu à l’Institut français à Tokyo les 9 et 10 février 2000. Initié par Catherine Beaugrand et le Quartier qui en a publié les actes, il a été organisé par Art Front Gallery et l’Ambassade de France à Tokyo avec le concours de l’AFAA.]. C’est une œuvre ambitieuse dont le propos interroge nos représentations et plus particulièrement nos représentations de l’espace. Son titre renvoie aux travaux de perspective de la Renaissance à travers lesquels se construit notre vision du monde. Or aujourd’hui, « notre monde optique — écrit Catherine Beaugrand — n’est plus celui des tableaux à secrets. » Notre monde se scénarise, il se médiatise, s’expose et se projette dans de multiples dimensions, à travers des représentations révisées par les nouvelles technologies. Quels sont donc, aujourd’hui, les enjeux de ces représentations ?

Ces dernières années, Catherine Beaugrand a largement développé ces problématiques en répondant à des commandes, à des invitations ou à des concours. En 2000, elle est invitée à intervenir dans le château de Chambord, monument de la culture savante du XVIe siècle dévoré par le modèle du parc d’attractions. Elle y réalise une nouvelle architecture (modèle réduit d’une partie de la toiture du château), un film et un CD-Rom. À Malakoff, elle exhume les vestiges d’un parc à thème sur la guerre de Crimée qu’elle met en scène dans une exposition et qu’elle analyse dans un CD-Rom. En 2001, pour l’Historial d’Alsace-Moselle, elle étudie une possible scénographie des images, conçue à partir du fonctionnement des théâtres de mémoire. Plus récemment, ses investigations dans le domaine de l’image l’on conduite à initier sur l’Internet un laboratoire d’analyse des pratiques de l’image : design correlation.net

Dessinés, construits, filmés, écrits, mis en scène ou en ligne, les travaux de Catherine Beaugrand cherchent à donner forme et consistance à une pensée nomade, capable de traverser plusieurs champs de la connaissance, de croiser des savoirs, d’analyser des contextes pour vérifier une hypothèse et tenter de répondre à des questions comme celles-ci : « est-il possible de figurer des concepts ? l’esthétique (pensée européenne) peut-elle convenir à l’Orient ? d’où regarde-t-on la réalité ? est-elle structurée comme une fiction ? » Changeant d’optique, de perspective, se déplaçant d’une histoire à une autre, d’un espace à une autre, d’une version à une autre, Catherine Beaugrand met à l’épreuve chacune de ces questions. Si ses projets s’inscrivent dans le champ de l’art et non dans celui de la théorie c’est parce que le lieu de l’art permet d’expérimenter d’autres formes constituantes de la réflexion et d’accueillir des objets de savoir dans une articulation inédite.

(Texte publié avec l’aimable autorisation du Quartier)

L’artiste
Catherine Beaugrand est née en 1953 à Mazingarbe, France. Elle vit et travaille à Paris. Elle a créé « design correlation », un laboratoire d’analyse d’images sur Internet dont les projets se réalisent avec différents partenaires (Institut français d’architecture, Cité des sciences, la Villette).

L’auteur
Dominique Abensour est directeur du Centre d’art Le Quartier à Quimper, France.

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